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Que faire de l’école ? Entre institution et libéralisation, le débat est ouvert

D’un côté, une figure intellectuelle qui ­incarne depuis longtemps la pensée pédagogique française contemporaine : Philippe Meirieu, universitaire, spécialiste des sciences de l’éducation, et homme politique – il fut, sous les couleurs d’Europe Ecologie-Les Verts, vice-président de la région Rhône-Alpes de 2010 à 2015. De l’autre, l’un des penseurs majeurs du libéralisme, le philosophe Philippe Nemo, dont les livres sur l’éducation prônent une rupture radicale. Le premier publie Education : rallumons les Lumières ! (L’Aube), cri d’alarme contre « le grand renoncement » que représentent pour lui les politiques scolaires actuelles. Le second, Repenser l’enseignement (PUF), plaidoyer pour une refonte du système éducatif. Deux prises de position importantes, aux antipodes l’une de l’autre. Ils ont accepté d’en débattre pour « Le Monde des livres ».
Philippe Nemo : Je vois deux problèmes principaux. D’une part, une baisse du niveau général, que mesurent chaque année les tests internationaux comme PISA. D’autre part, une quasi-ruine de l’enseignement secondaire, que j’ai pu constater année après année en tant que professeur et membre de jurys de concours de grandes écoles.
Si quelques établissements surnagent, c’est grâce au fait qu’ils ne respectent guère les principes pédagogiques prônés par l’éducation nationale. C’est le cas de grands lycées publics dérogatoires, comme Henri-IV ou Louis-le-Grand, ou d’établissements privés qu’on n’ose pas trop persécuter. Ce sont des soupapes indispensables. Mais il faudrait des centaines de lycées de cette qualité dans toutes les villes de France.
Philippe Meirieu : De mon côté, je vois un système scolaire épuisé par une multitude de réformes successives imposées arbitrairement par les politiques à des enseignants qui manquent terriblement de reconnaissance, tant financière que symbolique. Je constate aussi un creusement des inégalités. Les tests internationaux soulignent, de fait, qu’à l’âge de 15 ans il y a une baisse globale de la performance. Mais je note que l’écart entre les élèves issus des familles les plus pauvres et ceux issus des familles les plus favorisées est aussi en constante augmentation.
Au demeurant, les évaluations de type PISA doivent être relativisées. On sait que certains pays préparent très tôt leurs élèves à réussir les évaluations PISA. Cela dit, je ne me voile pas la face. Moi aussi, comme professeur, j’ai observé une baisse de niveau, en particulier dans la maîtrise de la langue écrite. Simplement, je ne crois pas que ce soit de la seule responsabilité de l’école. Il y a tout un environnement social, médiatique et linguistique, un rapport aux normes qui évolue, et cela interroge la société tout entière, autant que son école.
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